Emma traduit des romans qui ne l’intéressent pas, tout en rêvant d’écrire le sien. Mais ce n’est pas le seul fantasme qui occupe ses pensées : elle s’imagine aussi revoir le père de son fils par hasard, dire leurs quatre vérités aux gens qui le méritent ou avoir une vraie conversation avec son fils. Elle vit une vie ordinaire, pendant que dans sa tête s’enchaînent les scénarios palpitants. Son fils Quentin a aussi une dépendance à l’imaginaire, mais il trouve plutôt son compte dans les jeux vidéo.
Quand Emma apprend qu’elle a des dettes à rembourser d’urgence, elle est forcée de collaborer avec une grande entreprise technologique qui met sur pied un moteur de traduction automatique très poussé. Pendant ce temps, Quentin suit une piste qui le mène jusque dans le dark Web. La mère et le fils font des rencontres qui leur font perdre leurs repères et se retrouvent plongés dans des mondes où réalité et fiction s’entremêlent.
Les rêveurs définitifs de Camille de Peretti, parution prévue le 27 septembre 2021 chez Calmann-Levy
Le roman aborde plusieurs thèmes et présente tout un éventail de personnages, pas tous intéressants ou suffisamment développés. En tant que traductrice, j’ai été captivée par l’intrigue principale, soit les efforts d’Emma pour aider à concevoir un outil de traduction automatique intelligent capable de transmettre fidèlement le style des grands auteurs en plus de tirer le sens de leur œuvre. Concept assez farfelu, j’en conviens (ce n’est certainement pas les quatre ou cinq traducteurs littéraires bien payés sur Terre qui font perdre de l’argent aux grandes entreprises), mais qui soulève des questions amusantes. L’humour à caractère linguistique de l’autrice m’a bien plu : on voit bien qu’elle ne se prend pas trop au sérieux.
Toutefois, les choses se gâtent dans les chapitres de Quentin. Son attitude adolescente nombriliste est sans doute réaliste, mais elle est assez rébarbative. Le véritable problème, par contre, est que le jeune homme ne s’émancipe jamais du cliché du gamer solitaire avide de sensations fortes. L’incursion dans la sphère du jeu vidéo n’avait rien de surprenant ni de très nuancé. Je reconnais le potentiel du contraste entre les mondes imaginaires de la mère et du fils, mais j’ai l’impression que l’autrice ne s’y connaissait pas assez en jeux vidéo pour explorer le thème de manière satisfaisante.
Dans l’ensemble, ce court roman m’a paru à la fois étonnant et convenu. C’est sans doute la difficulté lorsqu’on traite d’autant de thèmes différents : on ne peut pas exceller dans tout. Si l’autrice n’avait pas nécessairement de perspectives nouvelles sur les sujets de l’intelligence artificielle et du monde numérique, elle a le mérite de les avoir abordés dans un contexte où ils sont peu courants, c’est-à-dire à l’extérieur du genre de la science-fiction.
À lire si vous aimez vous imaginer des scénarios improbables, si vous avez une fascination pour le langage ou si les enjeux du Web vous intéressent, mais que vous n’êtes pas trop versé.e en la matière.
Merci à l’éditeur pour ce service de presse.
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