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Interview avec Maxime Herbaut, auteur : Un plongeon humoristique dans l’imaginaire

Propos recueillis par Ève Normandin-Corriveau


Mémorial du pont à maisons sur la Bielle, la nouvelle de Maxime Herbaut rappelant une fable contée de génération en génération, est publiée dans le premier tome de la revue littéraire Soleil hirsute - numéro 2 - automne 2021 (à lire et télécharger gratuitement dans l’onglet Magazine). L’auteur prolifique surprend avec son approche tantôt historique, tantôt farfelue du genre fantastique.


D’où vous est venue l’idée pour votre nouvelle « Le mémorial du pont à maisons sur la Bielle » ?

Extrait de la nouvelle « Mémorial du pont à maisons sur la Bielle »

L’idée remonte à la lecture d’un article dans une revue historique qui relatait l’existence, autrefois, de maisons sur certains ponts de Paris. Il y a quelque temps, j’ai eu l’idée d’écrire un livre qui ne serait pas un roman ni un recueil de nouvelles en tant que tels, mais une sorte d’encyclopédie folklorique décrivant l’histoire et les traditions de villes et de régions fictives, que j’inventerais d’un bout à l’autre.



J’ai rédigé une quinzaine d’articles à ce jour, qui expliquent les habitudes étranges des habitants de ces petites communes, toutes (ou presque) située dans la vallée de la Bielle, une rivière qui, elle non plus, n’existe pas, bien entendu.


J’écris souvent des histoires de ponts, probablement parce que j’ai grandi dans un village lui-même situé sur une rivière appelée la Marque et qui possède un pont. Ce village, on l’aura deviné, se nomme Pont-à-Marcq. Les ponts sont un sujet littéraire qui m’interpelle, peut-être parce que j’envisage la fiction comme un entre-deux, un passage, et les textes comme des ponts.


Écrire, c’est essayer de construire un pont, un passage entre soi et les lecteur.ice.s, quelque chose qui enjambe le vide ou le fleuve entre nous. Mais on n’est jamais certain qu’on arrivera de l’autre côté, que le pont ne va pas s’effondrer.

Vous êtes un auteur prolifique. Pouvez-vous nous parler de vos œuvres parues récemment et également de celles sur lesquelles vous travaillez actuellement ?


Récemment, j’ai eu l’occasion de publier plusieurs nouvelles sous divers formats. Parmi celles qui sont accessibles facilement et gratuitement, il y a « Les Toboggans », un court récit d’anticipation dans lequel on découvre un futur où de gigantesques toboggans ont remplacé trains et autoroutes comme moyen de transport privilégié. Ce texte est à lire sur le site de la revue Rue Saint Ambroise.

On peut également lire deux de mes histoires courtes sous format série sur l’application Doors : « L’Ombre des maisons vides » sur la rencontre entre une jeune fille et un garçon aux pouvoirs étranges pendant les vacances d’été, et « L’Autoroute des vacances », sur le parcours du combattant d’un automobiliste parti à pied voir ce qui cause un embouteillage colossal sur l’autoroute.


Côté romans, j’ai eu la chance de publier Agravelle ou l’Envers du temps aux Éditions Inceptio en 2019 (un conte de fées pour grandes personnes sur le voyage dans le temps rendant hommage aux classiques d’aventure du 19e siècle). Je travaille actuellement sur deux autres romans à paraître en mars/avril 2022. L’un s’intitulera Heurtebise d’un soir et raconte l’étrange voyage d’un expert comptable qui reçoit la délicate mission d’accompagner un suicidé dans l’au-delà. Il paraîtra aux Éditions Kelach. L’autre s’intitulera Un Chien d’enfer et raconte comment un homme victime d’un grave accident de voiture tentera de reconstruire sa vie avec un chien… qui va s’avérer être bien plus qu’un simple chien. Ce roman paraîtra aux Éditions Crin de Chimère.


En ce moment, j’écris de nouvelles histoires courtes que je publie sur Wattpad, sous le pseudonyme de Punxsutawneyphil. J’ai aussi plusieurs autres projets en cours, que je vous invite à découvrir sur mon profil !

Quels thèmes importants à vos yeux sont abordés dans vos œuvres ?

Photo de Nico Morolla, fournie par l’auteur

Il y a dans ce que j’écris une prédominante fantastique, merveilleuse ou insolite, qui vient de mes goûts littéraires ou cinématographiques. L’étrange, l’improbable m’ont toujours attiré comme étant des points-limites, des frontières de l’existence où se révèlent des choses dont nous ne sommes pas toujours conscients au quotidien.


Derrière les évènements fantastiques ou impossibles qui se produisent dans mes histoires, on devine toujours des questions sur le réel, la vie telle que nous la connaissons dans le « vrai » monde. La fiction est un exercice de l’esprit qui permet de poser ces questions plus clairement, par le truchement du fantastique, en ce qui me concerne.


Ensuite, c’est un lieu commun, mais je crois que j’écris souvent des textes ayant trait à une quête d’identité. C’est quelque chose que l’on retrouve souvent dans mes récits, courts ou longs : des personnages qui se demandent ce qu’ils sont vraiment, qui veulent se redéfinir, ou dont l’identité est tout à coup remise en question, fragmentée ou tout bonnement pulvérisée, et qui vont tenter de se reconstruire, de se réinventer. Comme les cinq habitants de Pont-sur-Bielle, qui sont constamment contraints de s’adapter à un environnement instable et parfois hostile.


Photo de Maria Orlova provenant de Pexels

Votre métier d’enseignant a-t-il une influence sur votre regard d’écrivain ?


J’imagine que oui, à divers degrés plus ou moins conscients. Être enseignant, c’est souvent raconter des histoires, et être enseignant de langues en particulier, c’est souvent se poser des questions, ou essayer de répondre à des questions sur la langue, sur l’écriture. Il y a sans doute des moments où j’écris comme un prof, et des moments où j’enseigne comme un… écrivain, ou disons, comme un faiseur de fiction. Les deux mondes sont des vases communicants.

Quand avez-vous su que vous vouliez être écrivain ?


C’est un moment difficile à déterminer. Quand j’étais enfant, j’ai d’abord voulu être auteur de bandes dessinées, mais en grandissant il a bien fallu se rendre à l’évidence que je dessinais comme un pied. J’écrivais aussi des histoires, très dérivatives, inspirées des livres que j’aimais.


Il y a eu des étapes dans la prise de conscience : à 6 ans et demi, j’ai fait ma première rédaction d’écriture créative à l’école. Il s’agissait d’inventer la suite d’une histoire lue dans notre livre de lecture, et l’enseignante avait tellement apprécié mon texte qu’elle l’avait lu à toute la classe. C’est là que je me suis aperçu qu’écrire était une chose que je prenais plaisir à faire. Quelques années plus tard, mon grand-père m’a fait un beau cadeau en reliant plusieurs histoires que j’avais écrites chez lui en format livre. C’était la première fois que j’envisageais mes textes comme capables de former un livre à part entière.


Plus tard encore, quand j’avais 16 ans, mon grand-père est décédé et j’ai écrit une nouvelle partiellement inspirée de sa vie, qui était mon premier projet « sérieux ». C’était bien évidemment une façon pour moi de le faire revivre à ma façon.


D’une certaine manière, j’ai souvent écrit pour continuer une histoire qui s’était arrêtée, pour inventer une suite que j’attendais ou espérais, ou prolonger quelque chose qui était fini.

Écrire, c’est vouloir être le Docteur Frankenstein, faire revivre les morts, inventer des vies artificielles qui sont, comme le monstre du roman de Mary Shelley, cousues et rapiécées à partir de morceaux prélevés à droite et à gauche. Quels auteurs ou auteures vous ont marqué et pourquoi ?


Il y en a beaucoup, bien sûr. Parmi les plus marquants, il y a Franz Kafka, dont la lecture a été pour moi une révolution et m’a montré de toutes nouvelles perspectives d’écriture, radicalement différentes de ce que je connaissais auparavant. Kafka crée un monde et un langage uniques, qui posent des questions profondes tout en restant très accessibles, mais qui sont si riches que l’on n’en a jamais fait le tour.


D’autres auteurs qui m’ont énormément inspiré sont Dino Buzzati, Julio Cortazar, Jorge Luis Borges, qui sont de grands fabulistes ayant des parentés avec Kafka. Ils peuvent faire surgir tout un monde dans un nombre de pages (voire de lignes) extrêmement réduit.

Un livre (fiction ou non-fiction) que vous nous recommandez ?


Le choix est difficile… je dirais Georges Perec, La Vie, mode d’emploi. En tant qu’auteur, quelle est pour vous l’ambiance de travail idéale, qui stimule votre créativité ?


Comme beaucoup de mes collègues, je pense qu’avoir du temps et une certaine tranquillité sont essentiels, mais ce sont précisément les deux choses qui manquent dans la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui. J’écris donc un peu partout, à divers moments de la journée, quand j’ai quelques minutes : dans les transports, dans les salles d’attente, et plus particulièrement le soir ou la nuit. Votre citation préférée ?


Il y a une phrase que m’a dite un jour un dramaturge américain, Dennis Reardon : « Quand je lis une histoire, j’aime qu’elle m’emmène ailleurs que là où je m’attendais à me trouver. Et ensuite, encore un peu plus loin. » Je crois qu’à mon niveau, c’est une idée dont j’essaie de m’inspirer quand j’écris.


Plus sur Maxime...


Auteur d’un roman fantastique publié chez Inceptio Éditions (Agravelle ou l'Envers du temps, 2019), j’écris depuis de nombreuses années, essentiellement des nouvelles et des romans axés insolite/fantastique. Cette année, j’ai eu l’honneur de publier une nouvelle dans la revue Rue Saint Ambroise, spécialisée dans les fictions courtes, et dans les mois qui viennent, plusieurs de mes nouvelles seront publiées aux Éditions Luciférines, aux Éditions Antidata, dans la revue Bad to the Bone, dans la revue Le Soc, ainsi que sur l’application Rocambole, spécialisée dans les séries littéraires. Je suis âgé de 40 ans et actuellement professeur d’anglais dans la région parisienne.

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