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Interview de Paul Bocognani, poète : Le temps de la contemplation

Propos recueillis par Anusha Rung


Entretien avec un poète français publié dans la revue littéraire Soleil hirsute - numéro 2 - automne 2021 (à lire et télécharger gratuitement dans l'onglet Magazine). Son œuvre Bouquet, où passé et présent se rejoignent dans une étreinte à la fois nostalgique et réconfortante, figure à la page 42 de la revue.

Extrait du poème « Bouquet »

D’où vous est venue l’inspiration pour votre poème « Bouquet » ?


Mon écriture est considérablement dépendante du lieu où je vis. Il se trouve que depuis un peu plus de deux ans, j’habite un minuscule village, au pied des Pyrénées, traversé par une rivière et que je n’ai qu’une dizaine de pas à faire pour en atteindre le bord. C’est un luxe gratuit, mais inestimable.


Un de mes chats passe le plus clair de son temps sur mes genoux ou près de moi. C’est un être très inspirant, par sa douceur et son caractère de coton. J’ai aussi la chance d’avoir un jardin dans lequel s’épanouissent certaines fleurs qui se trouvaient aussi dans le jardin de mes parents. Elles sont, parfois, un vortex qui me ramène directement à mon enfance. De manière plus générale, mon épouse est une source d’inspiration cruciale; je crois bien qu’au fond, tout ce que j’écris, je l’écris pour elle.

Photo fournie par l'auteur

Quels thèmes importants à vos yeux sont abordés dans votre poésie ?

Ce texte, parmi d’autres, traite du temps de la contemplation. Contempler l’environnement qui m’entoure me ramène aux choses passées et me renvoie à mon présent. C’est comme le soufflet d’un accordéon. Un jeu perpétuel d’allers et retours dans le temps. C’est adossé à la bibliothèque de mon passé que j’écris.

Est-ce que votre métier d’ouvrier a une influence sur votre regard de poète et sur votre écriture ?


Oui, certainement. La dureté et la violence dans ces métiers impriment une forme d’insensibilité au cœur des hommes. Et c’est un acte de résistance de s’imposer à soi-même de non seulement conserver sa sensibilité, mais aussi de la faire grandir, notamment en s’extrayant mentalement de la tâche que l’on est en train d’accomplir et en prenant le temps d’observer ce qui nous entoure.

Pouvez-vous nous parler d’un moment marquant dans votre cheminement d’auteur ?


J’écris depuis l’âge de dix-sept ans. Mais jusqu’à présent, je n’avais que peu partagé de textes (sauf au théâtre, puisque je suis aussi comédien auteur, mais c’est différent). J’avais arrêté d’écrire pendant quelque temps et c’est mon épouse qui m’a poussée à m’y remettre. Ce serait donc le moment où elle m’a dit « ça fait longtemps que tu ne m’as pas écrit de poème ». En tant que poète, quelle est pour vous l’ambiance de travail idéale, qui stimule votre créativité ?


Le soir, quand mon épouse s’est endormie, mes chats et mon chien aussi. Je m’installe à mon bureau. J’écoute de la musique instrumentale au casque (Chet Baker, Doris Day, Chopin surtout, en tout cas aucune musique où le rythme n’est marqué par des percussions fortes - sinon cela m’empêche de trouver un rythme qui m’est propre) et je regarde la nuit par ma fenêtre. Et avec des cigarettes. Un auteur ou une autrice qui vous inspire particulièrement, et pourquoi ?


En ce moment, je vous dirai John Fante, pour son sens acéré de l’observation et sa façon de se juger si durement, impitoyablement et son humour que je trouve à la fois glacial et si charmant. Un livre (fiction ou non-fiction) que vous nous recommandez ?


Je suis justement en train de relire pour la troisième ou quatrième fois Le vin de la jeunesse de Fante. Son regard sur l’enfance et la pauvreté est si fin que c’est au-delà de la littérature : c’est de la gastronomie par les mots. Votre citation préférée ?


« Aussi longtemps qu’il existe un endroit où il y a de l’air, du soleil et de l’herbe, on doit avoir regret de ne point y être. » (Boris Vian)


En essayant de faire des études d’histoire de l'art, Paul s’aperçoit qu’il passe la majeure partie de son temps à lire du Boris Vian à la bibliothèque ou à se rendre au cinéma, ou à écrire des choses sur du papier qu’il jette, qu’il brûle ou qu’il égare. Alors il abandonne ses études. Et se retrouve employé de bureau. Plus tard, il se met en tête de passer un CAP de ferronnier. C’est ainsi qu’il découvre le monde ouvrier, la violence, la précarité, le mépris de classe, l’exploitation, les brisures du corps.


Entre deux missions d’intérim, il raconte en vers son amour pour son épouse qui le maintient en vie et son quotidien d'ouvrier.




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